La formation des agents
Le recrutement est sans doute ce qui se fait de plus difficile au Mossad. Des tests hautement ardus, autant physiques que psychologiques , révèleront si telle ou telle personne est apte à faire partie du service. Comme le disait Meir Amit (directeur du Mossad de 1963 à 1968) "aucune personne ne sera acceptée au Mossad si elle est motivée au premier chef par l'appât du gain. Les sionistes trop zélés n'auront pas davantage leur place dans cette maison. Le fanatisme empêche de discerner clairement les objectifs d'une mission. Notre métier requiert un jugement clair, calme et lucide. Les gens cherchent à entrer au Mossad pour toutes sortes de raisons. D'abord le prestige. Et aussi le goût de l'aventure. D'autres s'imaginent qu'ils pourront ainsi éléver leur statut social; ce sont des petits qui ont envie de grandir. Quelques-uns s'imaginent que le Mossad leur conférera des pouvoirs secrets. Aucune de ces motivations ne devront être considérées comme valables.". Ceci souligne parfaitement le fait qu'entrer au Mossad n'est pas chose aisée.
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A. Recrutement
Il n’y a pas de filière officielle de recrutement au sein du Mossad. C’est la division chargée du profilage, la Melukah, qui fait les premiers pas vers une recrue potentielle.
Aucun personnel combattant ou bien analyste n’est recruté sur le net. Ayant accès aux dossiers militaires de tous les Israéliens et Israéliennes, la Melukah peut facilement définir le profil qu’elle recherche, et l’actualiser.
En effet, le Mossad a le pouvoir de faire subir à ses candidats des concours de présélection maquillés en exercices militaires. Quelques fois, de jeunes appelés sémites effectuent des examens qu’ils pensent destinés à leur commandement alors que les résultats de ces exercices atterrissent sur le bureau d’un officier du bureau du Mossad.
Les bodel (« courriers », souvent des Arabes) et les mabuah (informateurs non-juifs) sont condamnés à la périphérie du système. Le Mossad ne recrute aucun personnel qui n’est pas Juif, mais les candidats peuvent s’être convertis. Seules constantes : la citoyenneté israélienne et la judéité. Le service sélectionne ses futurs agents selon des critères très aléatoires.
L’homosexualité reste officieusement bannie au sein du Mossad, mais pas pour une question de mœurs : le service craint que l’ennemi ne s’en serve comme outil de chantage à l’encontre d’un agent. Même fermeté à l’égard du statut légal : si la recrue fréquente une personne de nationalité étrangère, elle doit demander une autorisation écrite pour poursuivre cette relation ou c’est l’expulsion immédiate du service.
Un profil original, renforcé par une expérience militaire reconnue, sont décisifs.
Dès lors , les engagé(e)s n'ont plus le droit de partager ce qu'ils vivent avec personne , même leurs proches. Dans cet état d'extrême isolement, ils risquent d'être tentés de se laisser aller à de dangereuses confidences . Mais ils ne doivent plus jamais se confier à personne hormis à leurs collègues de l'Institut . C'est compréhensible car luttant pour protéger leur pays , il est nécessaire d'avoir un système d'espionnage infaillible car si ce dernier est défaillant comment prétendre être un outil de défense ? On en vient donc logiquement aux tests psychologiques.
B. PROFILAGE PSYCHOLOGiQUES
Les évaluations psychologiques font un premier tri parmi les aspirants. Comme il est dit précédemment , aucune faille n'est admissible dans un tel milieu qui requiert une intelligence et un dévouement total et exemplaire pour sa patrie.
Exemples:
1. Un seul mot doit être ajouté dans l’encoche :
L’enfant ______ ses parents
Quand il est attaqué, le jeune homme ______
Le chien _________ chaque nuit.
Toute histoire drôle est aussi ___________
Le soleil _________ dans le ciel
2. Fermez les yeux, et cochez un « X » dans chaque cercle d’une feuille blanche.
(La dimension d'origine des cercles doit être standard, mais tous ont un diamètre équidistant).
Ces examens et leurs résultats sont ajoutés au dossier.
S'ensuit une batterie d’interrogatoires imposée à la recrue :
a) l'importance de sa famille
b) sa situation financière
c) sa vision d’Israël (une remise en question du sionisme étant fatale)
d) son opinion sur les conflits au Moyen Orient
e) sa relation avec le sexe opposé (tout rapport conflictuel ou platonique ruinant une candidature)
f)ses projets d’avenir
g) ses opinions politiques et sociales
h) sa relation avec les figures paternelle et maternelle
(tout mauvais rapport avec la parenté du même sexe suggérant une inclination du candidat à rejeter l’autorité supérieure).
Ces questionnaires sont couplés avec des séances de détecteur de mensonges et une enquête lourde auprès des familles et amis de la recrue. La moindre erreur ou approximation est systématiquement éliminatoire.
Si l'agent passe ce niveau, il est envoyé à l'académie du Bureau à Tsomet Glilot . Là-bas, il hérite d’un nouveau pseudonyme.
Aucun agent ne connaît le vrai nom et la situation personnelle de ses collègues, même les plus proches.
Cet isolement est nécessaire pour éviter qu’un officier capturé ne révèle des informations sur les autres employés du service.
Régulièrement, le Bureau effectue des mises au point avec ses employés pour déterminer ce qu'ils savent de leurs partenaires. C'est un processus donc de sécurité permettant la sauvegarde d'intérêts placés dans des pays dangereux pour ces agents.
C. EXAMENS THEORIQUES
Les examens théoriques permettent de tester la rigueur des recrues. Il faut être très pointilleux et minutieux pour qu'aucun détail ne puisse leur échapper.
Le contenu de la théorie enseignée à Tsomet Glilot dépend de l’affectation de l’officier.
Un agent doit en outre étudier des matières aussi diverses que les sciences politiques, la géographie, l’ingénierie, la balistique ou la traumatologie et plus particulièrement la photographie.
Durant la durée des examens, tout ce que le candidat lit, écrit, consulte termine dans des sachets envoyés au service psychologique de l'Institut.
Afin de mieux cerner les faiblesses et qualitées du candidat. A mesure que les mois passent, ces documents sont envoyés dans un broyeur au sous-sol qui les réduits en pâte à papier.
A cette lourde charge de travail s'ajoute la gestion des papiers d'identités factices (les teud).
Les espions sont formés à prendre grand soin de leur seul moyen de survie.
Par exemple en ayant en permanence sur soi deux porte-monnaie, l'un à sa place habituelle, avec de l'argent liquide, et l'autre contenant ses papiers d'identité à l'abri, dans une poche velcro cousue à l'intérieur de sa veste.
A chaque opération, l'agent reçoit son pekuda l’mivtza, ou « pakam »(son diminutif) : son ordre de mission.
Sur ce document figurent les dates, lieux et objectifs de l'opération ; la logistique disponible dans le pays-base (non-hostile) ou le pays-cible (hostile) ; le montant des sommes allouées pour l'opération.
Le plus étrange est la dernière section du pakam: le chef de mission y a listé les situations fâcheuses qui pourraient résulter de l’opération, et les réactions attendues de l’agent. De cette manière, le Mossad se dédouane de toute mauvaise surprise.
Lorsqu'un agent est déployé sur un théâtre d'opération, il doit en premier réflexe joindre son contrôleur (un officier qui évolue sous couvert diplomatique), et lui remettre son ordre de mission ainsi que le passeport avec lequel il a voyagé depuis Israël. En retour, il obtient de l'argent, une nouvelle identité et son matériel de travail.
Le pakam est ensuite signé par les deux personnes, comme s'il s'agissait d'un contrat. La mission peut commencer.
L'obtention du pakam est un passage aussi obligé que la consultation de l'EEI (essential elements of intelligence).
L'EEI est un bulletin diffusé chaque mois qui détermine les besoins d'Israël en matière de renseignement. l'EEI oriente les travaux du Bureau et sert parfois d'avertissement. Par exemple en 1993, l'EEI consacré à l'Iran notait que le Mossad n'avait plus d'agent dans le pays depuis la chute du Shah, en 1979!
D. EXAMENS PRATIQUES
On leur apprend à mentir, à manipuler mais aussi à utiliser des méthodes qui paraissent violer les règles les plus élémentaires de la décence et de l'honneur. Ils doivent se plier à ces comportements radicalement nouveaux. Ils sont initiés aux arts martiaux (on les conditionne afin qu'ils obtiennent une condition physique hors-norme ) et aux tirs (dégainer rapidement, cacher leurs armes dans des endroits bien spécifiques ...) . Pour montrer à leurs examinateurs qu'ils ont tout saisi durant leur formation , ils doivent restituer leur savoir-faire au cours de différentes missions. Ce sont pour les futurs agents de terrain des tests à répétition pour déterminer leur aptitude à se trouver déployé en mission extérieure.
Les premières évaluations pratiques s'attachent au fondement même du métier : la création des « légendes »
(manière dont le Mossad nomme les couvertures qu'il fabrique pour ses agents).
Invitée dans un lieu sécurisé en ville, la nouvelle recrue doit se bâtir une identité crédible en 1/4 d'heure. L' agent est ensuite interrogé par des experts du contre-espionnage israélien, le Shabak.
Construire une bonne couverture n’est pas simple.
Par exemple, la première question piège posée par un agent de contre-espionnage à un officier du Mossad prétendant être journaliste d'Atlanta en Georgie pourrait être « quel est votre code postal ? » ou « rappelez-moi votre indicatif téléphonique ? »
La supercherie est vite révélée.
Le Bureau apprend à ses agents à privilégier les couvertures complexes comme journaliste indépendant ce qui nécessite plus de recherches, ce que le service ennemi ne peut se permettre.
Une fois la base réalisée, la recrue a une journée pour rédiger son autobiographie et la remettre à son superviseur.
A partir de ces informations, le Bureau lui créée une identité factice plus facile à defendre parce que fondée en partie sur des éléments réels.
Cette couverture élaborée est renforcée sur le terrain par l’établissement de faux numéros de téléphone et « siège social » d’organisations fantômes, établies dans des lieux de bonne réputation.
Dans sa formation, l'agent apprendra également à créer, stabiliser et placer des explosifs, mais aussi neutraliser ceux placés par l'ennemi. Là encore, l'entraînement dépend beaucoup de l'affectation future (les aspirants au kidon suivent la formation la plus pointue.)
Dans les stands de tir, les agents s'entraînent à manier l’arme de service et les armes lourdes pendant de nombreuses heures. Le Mossad utilise des balles à tête plate, plus violentes à l’impact, et impose le « tirer pour tuer ».
Un espion étant par définition payé pour ne pas être repéré, il ne dégaine que pour abattre son adversaire.
Sans exception. Conséquemment, les agents du Mossad n’utilisent théoriquement jamais leur arme. Ils compensent ce handicap par l'apprentissage du krav maga, les arts martiaux initiés par les forces spéciales israéliennes. Les exercices élémentaires se déroulent en zone habitée et à l'intérieur de l'Etat hébreu. Le défi est d’autant plus grand pour les recrues de l’Institut.
Elles apprennent à fréquenter les hôtels, leur premier lieu de travail.
Les bleus y sont formés à fixer des rendez-vous et à étudier l'environnement qui les entourent.
L’agent suit une « SDR » (surveillance et detection sur la route). Chaque parcours est à usage unique, mais répond à des règles immuables. Pour se rendre à un lieu donné, l’agent A fait un grand détour et passe devant un « champ ouvert », c’est-à-dire une zone de vision très large qu’observe un agent B partenaire. Habituellement, il s’agit d’une terrasse de café. Si et seulement si l’agent B a vérifié que l’agent A n’est pas suivi, ce dernier ira voir son contact. Les SDR sont monnaie courante pour l’aspirant. Au fil de l’entraînement, elles deviennent aussi banales que vérifier la route avant d’emprunter un passage pour piétons.
Avant d'essayer de s'échapper seul dans la nature , l'agent doit auparavant semer son instructeur. Bien évidemment, il bénéficie d'une aide précieuse des Neviots ( les professionnels de la surveillance du bureau) qui le conseillent sur les différents choix à adopter. En général , une filature demande la réquisition de trois à quatre agents pour une cible unique afin de permuter les suiveurs c'est à dire :1) homme + femme 2) homme seul 3) femme seule 4) "famille"
Une filature motorisée, quant à elle, est plus complexe. En effet , elle éxige au moins deux conducteurs derrière la voiture suivie, un troisième au fil du parcours et parfois , un véhicule de secours placé sur la voie opposée, auquel cas la personne effectuerait un demi-tour. Ross raconte qu'il s'entraînait à maintes reprises dans les ronds-points bondés de Tel Aviv. Les "objets" ( individus pris en filature dans le jargon du Mossad) étaient des citoyens ordianires ayant pour but de former les futurs agents opérationnels du Mossad.
Pendant les stages de formation , une grande importance est porté sur l'apprentissage du Naka (, le code secret qui régit la vie du Mossad depuis cinq décennies. C'est ce qui a de plus important à savoir pour un agent. Par exemple , dans le livre du code interne,"un accident" signifie que l'officier veut consulter son contrôleur de toute urgence. " Ram" renvoie au directeur général. Le dernier cran d'alerte saute avec "la lumière du jour", daglighli en hébreu. Une fois ce code diffucé, n'importe quel agent des filières concernées avec le problème quittent le pays-cible en moins de vingt-quatre heures.
Au cours des examens oraux et écrtits , les candidats doivent restituer par couer le fonctionnement du Bureau auquel ils souhaitent appartenir.
Le recrutement permet de sélectionner l'élite. Mais pour que les nouveaux agents secrets deviennent l'élite de l'élite, ils doivent subir un entraînement extrêmement difficile où ils ont peu le droit à l'erreur. Ils auront un rôle crucial dans le renseignement car sans eux , le Mossad n'aurait pas la renommée internationale qu'il a su obtenir à travers la qualité de ses services. Ils déterminent le futur de leur pays et sont davantage important car Dieu seul sait que des malheurs s'abbateront encore et encore sur cette nation sans cesse meurtrie. Cette sélection donne une dose supplémentaire de patriotisme à ces nouvelles recrues. Cela les mènera au bout de leurs limites et même jusqu'à leur mort comme Elie Cohen , mort pour les sien et dont les informations ont été si cruciales durant la fameuse guerre des six jours sur le plateau du Golan.